La paroisse de Saint Cybard de Roullet était une vicairie perpétuelle sur le Claix, dans l’archiprêtré de Jurignac.

Façade principale. A. de Baudot d’après Mr. Abadie

De nombreux noms latins anciens sont connus : Roliacum, Ruliaco minore (charte de 852), Roures ou Rouret (1060-1075), parvum Roliacum (1110), Roreto (1150), Roleto (1300).

La trace archéologique la plus ancienne identifiée à proximité est un vase funéraire retrouvé dans un tombeau gallo-romain dans le jardin de la cure, au pied de l’église en 1877, sans doute découvert durant les travaux de l’église. Un cimetière d’époque mérovingienne est connu à Berguille, au Sud-Ouest du bourg de Roullet. La paroisse appartient dès le 9ème siècle à l’abbaye Saint Cybard d’Angoulême. Elle lui doit entre-autres son vocable ancien. On ne sait rien de la période préromane de l’église.

PÉRIODE MÉDIÉVALE

L’église actuelle connait une première phase de construction au 11ème siècle. L’église avait déjà son plan actuel très allongé. Les nombreuses assises en petit appareil régulier allongé conservées en partie basse de l’édifice pourraient dater du tournant de l’An Mil ou plus certainement du début du 11ème siècle. D’autres édifices précisément datés présentent des parements de même type, comme dans la nef de la cathédrale préromane d’Angoulême vers 1015 et la nef de l’abbaye Saint Amant à Saint-Amant-de-Boixe vers 1020-1028. D’autres édifices aux caractéristiques similaires sont datés contextuellement de la première moitié ou au milieu du 11ème siècle.

Une inscription de dédicace est encore lisible dans l’église, avec le jour mais sans préciser de date :

In festivitate sancti geraldi dedicacio ecclesiæ.

Elle se situe au Nord de la quatrième travée de la nef, en remploi. Les caractéristiques calligraphiques permettent de la dater de la première moitié du 11ème siècle.

Avec le développement ecclésiastique initié par l’épiscopat de Girard II de Blaye, la paroisse est rattachée à l’archidiaconé et à l’abbaye Notre-Dame de La Couronne, construite au début du 12ème siècle par le futur successeur de Girard, Lambert. C’est l’archidiacre qui nomme l’affectataire et qui perçoit la dîme, tandis que le curé a la portion congrue.

Etapes de la construction

L’abbé Michon classe l’église dans le Roman Fleuri (12ème siècle) à la suite de la cathédrale d’Angoulême ou localement de La Couronne.

Il est tentant d’établir un lien de cause à effet du rattachement à l’archidiaconé à la construction de la file de coupoles. En effet, cette réalisation s’inscrit dans un courant architectural influencé par le chantier de la cathédrale d’Angoulême. En effet, Une même structure de trois coupoles sur trompes sur une coupole d’avant-chœur (de transept pour Angoulême et de clocher à Roullet) sur pendentifs. La file de coupoles remplace une charpente comme à Fléac et Péreuil.

La façade occidentale est reconstruite, selon Pierre Dubourg-Noves au 12ème siècle avec un jeu d’arcatures à deux étages qui s’inspire visiblement du premier projet de la façade de Girard II pour Angoulême (1118-1120). Mais les piliers des coupoles, formés de cinq colonnes engagées disposées en triangle indiquent une composition plus évoluée que la demi-colonne sur dosseret jusqu’ici rencontrée, qui est, dans les édifices secondaires, la version simplifiée de la pile carrée à colonnes engagées du modèle cathédrale. Par ailleurs, les groupes de chapiteaux à feuilles d’eau perlées qui les couronnent sont d’un type étranger à ce modèle et plus récent que les corbeilles orientalisantes qu’on voit dans le chœur. Ils doivent se situer vers le milieu du 12ème siècle ou à peine plus haut, c’est-à-dire sous l’épiscopat de Lambert, successeur de Girard. Le premier affectataire connu est Jean d’Auriac, en 1220.

 

PÉRIODES MODERNE ET RÉVOLUTIONNAIRE

L’histoire de l’église et de la paroisse sont ensuite inconnus, mis à part quelques curés et vicaires. IL est à noter que parmi eux Louis Ythier, mort en 1709, est enterré dans le chœur, comme Pierre Joret en 1773. Une chapellenie de Notre-Dame-de-la-Pitié, dite des Guillemeteau, est unie à la chapelle du même nom intra ecclesiam et fondée vers 1525. Cette chapelle est encore citée au 19ème siècle. Une autre chapelle est fondée entre 1521 et 1528 à proximité de l’église, en bord de cimetière. Elle est dédiée à Saint-Antoine mais est parfois nommée Chapelle des Bernard. Une dernière chapelle Saint-Michel, extra ecclesiam, est citée sans autres informations.

LES TRAVAUX DU 19ème SIÈCLE

En 1803, les habitants de Roullet font une pétition pour que la paroisse demeure succursale et qu’elle ait comme curé J.-Joachim Menault, ancien vicaire général de Bordeaux. Elle est donc maintenue et reconnue en 1805 et 1807.

Plan de l’église et de la cure vers 1805 (ADio16 Rll 1)

Le document ci-dessus montre l’église (en bleu) dans son environnement urbain. Une route passe à l’Ouest, le Sud est occupé par une place publique, à l’emplacement de l’ancien cimetière, et le jardin de la cure se développe vers l’Est. La partie Nord de l’église est occupée par les bâtiments de la cure, aussi nommée presbytère. Un bâtiment est directement construit contre la nef de l’église, tandis qu’un autre est construit contre le chœur. Le cadastre napoléonien de 1824 indique les mêmes informations en précisant le parcellaire.

Cela indique que mis à part un agrandissement de l’école, l’environnement de l’église est resté identique dans le premier quart du 19ème siècle.

L’état descriptif des bâtiments cultuels dressé entre 1830 et 1840 indique que le sol et les murs sont en bon état, tandis que la toiture est dans « un très mauvais état. La charpente de l’église menace ruine, ainsi que celle de la cloche ». Une chapelle latérale dédiée à la Vierge est indiquée, en bon état. Le maître-autel est dans un bon état, tout comme les vitraux et le confessionnal. Un chancel sépare le chœur du reste de l’église. Au contraire la chaire menace de s’effondrer. Il est noté que le conseil municipal n’accorde pas d’importance à l’entretien de l’église, alors que le Concordat de 1809 fait de la commune le propriétaire de l’église, gros travaux compris.

Des réparations sur le clocher sont faites en 1838.

L’édifice est classé en 1840 sur la première liste des monuments historiques. A la suite, Paul Abadie Fils est envoyé pour relever les édifices anciens de la Charente. Il réalise ainsi en 1844 le relevé de l’église de Roullet. Une chapelle domestique est bénie en 1843. La même année, la mairie fait construire une halle au Sud pour aménager le marché. Suite à un accident, une cloche est refondue en 1844, en partie avec le concours financier de la commune, et bénie par le curé Guillaume Noellet en 1850. Un Chemin de Croix est érigé le 17 décembre 1848 par l’abbé Wateau, chanoine honoraire à Angoulême. La reconstruction d’une servitude du presbytère en 1858 donne lieu à des tractations avec la commune. Divers travaux d’entretien sont réalisés la décennie suivante.

Paul Abadie Fils formule un premier projet de restauration quatre ans après ses relevés. Celui est fermement refusé par la commune Mais les planches de l’état projeté du clocher de Roullet sont utilisées en 1856 pour l’Encyclopédie médiévale d’Eugène Viollet-le-Duc, montrant que l’architecte diocésain de la Charente avait déjà envisagé les quatre lanternons encadrant le clocher.

Un révérend anglais nommé John-Louis Petit fait un tour de France au tournant de 1850 et passe par Roullet. Il réalise deux dessins qui présente l’état de l’église à peu près au moment de la venue de Paul Abadie Fils.

Le matin du 9 décembre 1872, un éclair sans orage tomba sur le clocher, « qui s’est partagé en deux depuis la girouette jusqu’aux soubassements ». Le clocher s’est effondré, la cloche tombant sur l’extrados de la voûte sans l’ébranler. Les plombs des vitraux ont fondu. Le chœur est fissuré en profondeur. Le site est visité le jour même par l’architecte chargé des travaux sur les monuments diocésains Édouard Warin et Mgr Cousseau, l’évêque d’Angoulême.

 Extrait de journal Le Charentais du Mercredi 11 décembre 1872, p. 3 (AD16)

Les travaux sont validés en 1873. Ils seront dirigés par Paul Abadie Fils et suivis par Édouard Warin. Le montant est de 45.000 fr. Les travaux de reconstruction débutent en 1874, aux frais de l’État. On exige seulement de la mairie qu’elle démolisse les bâtiments contigus, la halle et l’ancienne maison d’école ruinée lors de l’effondrement du clocher. Paul Abadie intègre dans la reconstruction du clocher quelques éléments de sa création comme les clochetons d’angle. La façade occidentale est restaurée et réordonnancée. La toiture de la nef est remise à neuf. Le chœur reçoit une couverture en dalles de pierre entourée d’un chéneau, à l’instar de la cathédrale d’Angoulême. Les travaux durent jusqu’en 1877.

On construit l’année suivante un mur de séparation sur la place du presbytère entre l’église «nouvellement restaurée » et la mairie suite à l’agrandissement de la place publique.

L’anglais Edmund Sharpe visite l’église durant les travaux et présente dans son ouvrage posthume des vues intérieures et extérieures présentant des différences importantes avec l’état actuel, notamment la façade occidentale.

 Une nouvelle phase de travaux, cette fois-ci intérieure, se lance en 1884. Après la construction d’une structure de soutien pour la cloche de l’église, les sculptures de l’église sont débadigeonnées et restaurées. Les chapiteaux de la nef, du clocher et du chœur sont remplacés. Enfin, un nouveau maître-autel en pierre est réalisé en 1886. Le projet de sol de l’église pose problème pendant plusieurs années, la commission des monuments historiques s’opposant la volonté ferme de la commune de réaliser un carrelage en ciment. Cette opposition se retrouve entre Edouard Warin, chargé des travaux et appuyant la proposition du sol ciment et Jean-Juste Lisch, nouvel architecte diocésain succédant à Paul Abadie Fils et favorisant un dallage en pierre. C’est finalement lui qui obtiendra gain de cause en 1894. Le nouveau sol est finalement réalisé en 1896 suite à un compromis, avec une allée centrale et des bordures en dalle de pierre entourant des carreaux de terre cuite rouges.

Vue intérieure de la nef, vers le chœur prise par Mieusement. Septembre 1877. Médiathèque de l’architecture et du patrimoine

Des travaux d’entretien sont réalisés en 1898 puis régulièrement durant le 20ème siècle.

Des travaux de mise en valeur sont réalisés dans les années 1980 : un nouvel autel en 1982, des vitraux signés Louis René Petit en 1984. Quelques restaurations sont réalisées dans le même temps. Un nouvel autel contemporain en pierre, associé à un ambon, a été installé en décembre 2011.

La mairie a fait réaliser un aménagement du bourg de Roullet en 2013 et 2014, notamment aux abords directs de l’église.

LES CAMPAGNES DE TRAVAUX

1838 : Mémoire de Jean Tournier, entrepreneur, pour réparation de l’église et du presbytère (réparation du clocher) : fourniture pièces de bois de charpente ; descente et repose de la cloche ; couverture et menuiseries pour le presbytère.

1841 : Terrassement/ Déblaiement de l’ancien cimetière attenant à l’église et arrachage des arbres pour les vendre. La suppression du cimetière date de quarante ans auparavant environ. L’objectif était de réutiliser l’emplacement ainsi dégagé pour le marché et notamment pour placer les étals dans une situation plus confortable sur la rue que celle existante qui est la cause d’accidents avec les diligences.

1843 : Lettre du maire au préfet pour justifier la construction d’une halle adossée à l’église. Il explique qu’il vaut mieux s’y appuyer que de créer une ruelle étroite et sombre risquant d’apporter de l’humidité aux pieds des édifices. De plus, l’église appartient à la mairie depuis les décisions du concordat de 1809, y compris les gros travaux. Suite à ce courrier, l’évêque évoque sa crainte de voir les deux baies de l’église bouchées. Cette crainte ne semble pas avoir été retenue par le maire qui garantit que ce ne sera pas le cas.

1844 : La refonte de la cloche est nécessaire après l’accident du 7 mai 1843. La fabrique d’église est alors sans ressources et demande assistance au Conseil Municipal qui acceptera de participer aux travaux à la hauteur de 300 francs.

1848 : Projet de restauration de Paul Abadie Fils sur l’église.

1849 : Commission des Monuments Historiques du 20 juillet.

1862-1869 : Réalisation de différentes campagnes d’entretien sur la halle et le presbytère.

1872 : Séance du 11 décembre, à la société archéologique et historique de la Charente proposant un rapport sur les renseignements par Monsieur Lurat, habitant de la commune :

« Le tonnerre est tombé [le 9 décembre] sur le clocher de l’église de Roullet qui s’est partagé en deux depuis la girouette jusqu’aux soubassements. Le clocher, dans sa chute, a écrasé l’ancienne maison de l’école. Le chœur de l’église, au chevet, a de profondes lézardes… »

Monsieur Lurat constate également que la cloche, lors de l’écrasement du clocher, est tombée sur la coupole principale sans en ébranler la voûte, malgré son poids de huit cent kilogrammes. Il constate que Monsieur Warin, architecte, attaché à la conservation des monuments diocésains, a visité le bâtiment le jour même et qu’il peut, mieux que personne, faire connaître à la société de l’importance des dégâts causés. La société fait part de son admiration pour le projet de Paul Abadie pour la restauration de l’édifice.

1873 : La décision est prise de faire restaurer l’église par l’architecte Warin, inspecteur des travaux diocésains sous la direction de Monsieur Abadie :

  1. Abadie, rapporteur.

L’architecte, inspecteur des travaux diocésains, M. Warin, a été chargé d’établir un devis qui se monte à 45 000 Francs (32 000 Francs pour le rétablissement des parties de l’édifice détruites ou endommagées par la foudre, 13 000 Francs pour les autres restaurations). La Municipalité de Roullet consentirait, pour obtenir le concours de l’État, à démolir la halle et les autres bâtiments adossés à l’église et à prendre à sa charge la dépense de 8 000 Francs environ qui résulterait de cette démolition accomplie sous la surveillance de l’architecte désigné par la Commission. Les ressources de la Commune ne permettant pas d’exiger davantage, l’administration devrait pourvoir seule aux frais de restauration de l’église. Le choix de l’architecte a encore été fait directement par le préfet qui, cette fois du moins, est tombé sur un homme capable, offrant toutes garanties et pouvant être chargé de la restauration sous la direction de M. Abadie qui accepte la responsabilité de l’entreprise.

Adopté.

1874-1877 : Travaux de restauration de l’église par l’entreprise Caillaud et Cussy pour la sculpture. Les certificats de paiement sont signés par Abadie.

1878 : Construction d’un mur de séparation sur la place du presbytère entre l’église « nouvellement restaurée » et la mairie suite à l’agrandissement de la place publique.

1884 : Construction d’une structure de soutien pour la cloche de l’église. Débadigeonnage et restauration des sculptures de l’église. Remplacement des chapiteaux par des chapiteaux neufs (nef, clocher, sanctuaire…) par l’entreprise Cussy.

1892 : Refus par la commission de la réalisation d’un carrelage en ciment :

Projet de carrelage en carreaux de ciment comprimé présenté par la Commune. M. [Jean-Juste] Lisch, rapporteur, conclut au rejet de ce projet et propose de demander à M. Warin un devis de carrelage en pierre dure, le seul qui soit en rapport avec le caractère de l’édifice.

Adopté.

1894 : La commission des monuments historiques autorise la réalisation du dallage, sous réserves de financement :

Devis de 3 675 Francs en vue de la réfection du dallage. En raison de la nature des travaux qui n’intéressent pas absolument la conservation de l’édifice, M. le rapporteur est d’avis d’inviter la Commission et la Fabrique à concourir à la dépense et d’allouer conditionnellement 1 800 Francs sur le crédit.

1898 : Menus travaux par l’entreprise de peinture et plâtrerie Motard, à Roullet : Réparation de la toiture de l’église ; Peinture de la porte d’entrée.

1890 : Réparation de la place publique contiguë à l’église avec construction de caniveau et trottoirs.

1896 : Dallage de l’église : travaux de restauration par Monsieur Mieu, entrepreneur à Angoulême. Réalisation avec allée centrale nef et bandes reliant les piliers en travers en pierre de taille et carreaux de terre cuite (des usines St Henry à Marseille pour le reste).

1982 : Construction d’un autel pour l’église

1984 : Création de vitraux pour la nef (six) par Louis René Petit. Réfection des joints sur dallage de couverture du chevet avec pose de témoins. Remplacement de colonnettes sur la tour lanterne du clocher.

2004-2005 : Reprise de la couverture pierre du chœur et de la flèche conique (J.-P. Auzou ABF).

2005 : Installation d’un nouveau paratonnerre, d’un chauffage au gaz élargi en 2007.

2007 : Remplacement d’une marche.

2007-2009 : Travaux divers dans le presbytère.

2011 : Nouvel autel contemporain en pierre, associé à un ambon. La fourniture est payée par l’affectataire et la pose par la mairie.

2013-2014 : Aménagement du bourg de Roullet.

2014 : Création d’une main courante et mise en place d’un rejingot en plomb.

2018-2019 : Restauration extérieure de l’église.